Abdelkader Benyoub est un habitant engagé de La Villeneuve. Que ce soit au travers de l’association « Allons quartiers » ou de sa participation aux élections locales, il veut susciter le débat dans les quartiers sud de Grenoble. Rencontre.
Bouillonnant d’idées, un avis sur tout, revendicatif et fort en gueule, Abdelkader Benyoub est quelqu’un qui compte pour les habitants des quartiers sud de Grenoble. Il vit lui-même à La Villeneuve avec sa femme et ses enfants depuis 2004. Après quinze ans d’engagement associatif et politique dans ces zones dites « difficiles », il est devenu le porte-parole non-officiel des habitants. « La mairie tremble lorsqu’elle me voit !Il n’y a pas d’opposition à Grenoble. Moi, je râle vraiment et ça leur déplaît ».
Lorsqu’il parle, Abdelkader Benyoub regarde son interlocuteur droit dans les yeux. Franc et direct, cet homme charmeur n’a pas la langue dans sa poche. Il aime les gens qui, comme lui « sont debout, manifestent et ouvrent leur gueule », raconte-t-il avec fougue. La parole est pour Abdelkader Benyoub un merveilleux outil. Elle permet de revendiquer, d’échanger, de confronter des points de vue ou de discuter tout simplement. «Pas besoin de poser une bombe ici grâce à l’espace démocratique dont nous disposons ». Mais Abdelkader Benyoub est bien seul. S’ils se sentent concernés, peu d’habitants prennent le temps de participer aux réunions de l’Union de quartier ou aux débats à la mairie. « Ils disent qu’ils n’ont pas le temps. Mais faudra pas venir pleurer quand ce sera trop tard pour le quartier ! »
Promouvoir la démocratie participative
Pour aider les habitants, et notamment les jeunes, à participer pleinement à la vie de la cité, ce père de deux filles s’est engagé auprès du collectif « Allons quartiers » qui promeut la démocratie participative dans les quartiers sud de Grenoble. « Nous voulons que chacun retrouve sa place de citoyen. Pour cela, nous organisons des débats où tous les participants tirent au sort un numéro et doivent ensuite parler quand
vient leur tour. Cela force les gens à s’exprimer », détaille Abdelkader Benyoub. L’an dernier, l’association avait organisé une soirée avec l’ensemble des candidats aux législatives et un débat sur le port du voile.
Ces rencontres citoyennes réunissent en moyenne 70 personnes. Et pour Abdelkader Benyoub, c’est une vraie fierté : « C’est magnifique de voir les gens qui débattent ». L’homme a également créé « 38Napalm », une association qui veut promouvoir les talents des quartiers, sportifs ou artistiques. Elle est née au moment du nouveau stade des Alpes et de l’entrée en Ligue 1 du GF38.
L’engagement d’Abdelkader Benyoub se fait également en politique. En 2007, il décide de se présenter sans étiquette aux élections législatives.« La France ne mérite pas les hommes politiques qui la gouvernent« . En 2011, il est candidat sur le canton 3 de Grenoble. Cette fois-ci, il est épaulé par sa femme qui est suppléante. A chaque scrutin, il ne réunit que peu de voix. Un comble pour celui qui donne de la voix dès qu’il le peut. Un brin désabusé des partis politiques, il a voté Nathalie Arthaud au 1er tour « pour son combat de femme, pas pour ses idées », et blanc au second lors de la présidentielle. Dans le tract de sa candidature en 2011, Abdelkader écrit : « En tant que citoyens, nous devons agir contre un système politique qui n’est plus représentatif, aux mains d’une caste économique, médiatique et politique renfermée sur elle-même ».
« Je paye pour avoir la mixité sociale qu’il n’y a plus ici ».
Il y a quelques mois, Abdelkader Benyoub a perdu son emploi de monteur dans une grande entreprise de l’agglomération grenobloise. Selon lui, son engagement politique et associatif en est la cause : « Je faisais trop de bruit. Ils ont profité d’un plan de licenciement pour me virer. » A bientôt 40 ans, cet homme qui n’a pas fait d’études supérieures, a peu d’espoir de retrouver un emploi. Il met donc son temps à profit pour diffuser ses idées. A ses voisins et amis, il explique ses combats. Contre les discriminations d’abord : « mes filles vont à l’école privée. Je paye pour avoir la mixité sociale qu’il n’y a plus ici ». Et ensuite, pour que les jeunes prennent leur destin en main : « faut y aller et arrêter d’attendre que les politiques agissent. Faut réussir ici et rester ici ».
La récente reconnaissance par François Hollande de la répression sanglante du 17 octobre 1961 (des policiers ont violemment réprimé une manifestation à Paris d’Algériens pour l’indépendance, causant entre 50 et 300 morts), ce Français d’origine algérienne, la réclamait depuis longtemps. Pour que les relations entre les deux pays s’apaisent. Pour que les jeunes Français dont les parents sont nés en Algérie puissent redécouvrir leur histoire. «Aujourd’hui le conflit franco-algérien, c’est deux lignes dans les livres d’Histoire, ce n’est pas normal. Il faut pour que les jeunes se construisent dans de bonnes conditions qu’ils puissent comprendre l’histoire de la guerre d’indépendance de l’Algérie. »
Avec « Allons quartiers » et des associations similaires dans différentes villes de France, Abdelkader Benyoub veut créer un mouvement politique : le FCP, pour Forum Citoyen et Populaire. Il présentera des candidats aux élections locales mais aussi nationales et songe lui-même aux municipales de 2014. Pour continuer à « ouvrir sa gueule » et défendre les quartiers que personne ne veut écouter.
Laure-Emmanuelle HUSSON
(c) LIGNEA.FR
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